• Jane et Lily

    Chapitre I

    L'arrivée au Domaine

    Le ciel bas et plombé pleurait doucement. Une petite brume humide qui mélangeait brouillard et obscurité, m'obligeait à allumer mes phares. C'est dans ce crépuscule triste d'un jour automnal tout en gris ou le ciel et la terre se confondaient sur l'horizon, que je roulais à allure modérée.  

    La petite route départementale, que j'avais prise après être sortie de l'autoroute en direction du Domaine des Roches Brunes, était difficile. Je conduisais depuis le début de l'après-midi déjà. A Paris, j'étais allée chercher mon amie Lily qui m'accompagnait. Depuis, nous faisions le chemin ensemble vers le sud. La radio déversait des informations que nous n'écoutions pas . Elle ne servait qu'à mettre un fond sonore à nos conversations et à nos joyeux éclats de rires . 

    Nos pensées volaient nous portant déjà vers le lieu de notre destination. Dans nos esprits passaient et repassaient des photos glanées sur internet et maintes maintes fois regardées et détaillées.

      Ce voyage n'avait pu avoir lieu qu'avec le consentement de nos Maîtres respectifs. Car, tout comme Lily qui avait un Maître, elle depuis de longues années, je m'étais moi même offerte, quelques mois auparavant et de mon plein gré, à mon mari pour devenir sa soumise. Après bien des années de souffrances et de mal être dont je ne connaissais pas la cause, j'avais enfin compris ma nature de soumise. Cela ne voulait pas dire que je m'étais transformée en « serpillière » du jour au lendemain, non bien au contraire ! Je restais la même qu'auparavant, vive, enjouée et enflammée, voir un tantinet espiègle dès que l'occasion s'en présentait. Rien de ce que je vivais en mode « chocolat » ne transparaissait dans ce que je vivais au quotidien, dans le monde vanille, comme les adeptes du monde BDSM aiment à dire. Pour n'importe quel quidam, j'étais une secrétaire médicale efficace et enjouée. J'étais heureuse d'avoir enfin put assumer cette part d'ombre de moi. Depuis qu'il était devenu mon Maître, et moi soumise, je m'étais épanouie dans cet univers BDSM, découvrant en moi les trésors d'une merveilleuse féminité à fleur de peau que je ne savais pas posséder.  

    Ce long trajet, que nous avions entrepris toutes les deux, nous menait jusqu'à une propriété privée très particulière. Bien que cela faisait longtemps que nous roulions, le temps ne nous avait pas semblait si interminable que nous l'avions craint au départ. Nous étions toutes les deux, à la fois, très excitées et pourtant inquiètes de ce que nous réserverait notre hôte pendant notre séjour chez lui.  

    Le voyage se passait bien et nos conversations revenaient toujours sur le même sujet : le but de ce voyage, la rencontre tant espérée avec Monsieur Frédéric de B... le « Maître de l'étrivière », son domaine ancestral, comme il se plaisait à se faire appeler. Il était l'administrateur du forum de rencontres entre Maîtres et soumises sur lequel, Lily et moi avions fait connaissance quelques mois auparavant . Depuis, une belle complicité et une franche amitié était née peu à peu entre nous deux. C'est sur ce même forum et par notre intermédiaire que nos deux Maîtres avaient également fait connaissance. Après plusieurs rencontres et discutions virtuelles, puis téléphoniques, nous avions organisé depuis lors plusieurs rencontres, bien réelles celles la. Une tendre complicité était née entre nous tous au fur et à mesure de ces conversations et de ces quelques entrevues, toujours attendues avec impatience, et qui avaient renforcé ce lien. Nos rencontres étaient toujours teintées de beaucoup d'humour et d'amour. Nous trouvions toujours des endroits des plus insolites, pour à chaque fois, surprendre nos Maîtres qui aimaient beaucoup cela. Pour Lily, tout comme pour moi même nous nous faisions toujours une joie de ces rencontres entre gens du même monde, car il faut bien avouer qu'aucun de nos amis vanilles n'étaient au courant de nos penchants sexuels privés. Nous ne laissions rien transparaître de tout cela, tant pour nous protéger nous même que nos proches.

      Le déroulement du séjour avait donc été convenu au préalable entre nos Maîtres et ce Monsieur. L'organisation et les modalités de ce séjour un peu particulier avaient été réglées et Lily et moi nous ne savions rien de ce qui nous attendait là bas. C'est ainsi que nous nous retrouvions, après plusieurs heures de route, plus qu'à quelques kilomètres du « Domaine des Etrivieres », plus qu'à quelques kilomètres seulement de la réalisation de notre rêve.

    Dans la voiture nous n'exprimions que notre impatience et notre envie de rencontrer, enfin le mystérieux Maître du Domaine. Il faut dire que notre bonne humeur, un peu forcée il est vrai, cachait les angoisses, que ni l'une ni l'autre n'aurait avouer.

      Comme cela avait été prévu, nous nous étions habillées selon les directives de nos Maîtres. Je portais, à l'instar de Lily un corset noir avec porte-jarretelles, bas fins, string noir également. C'est mon Maître lui même qui avait serré le mien et il n'y avait pas été de main morte. Je peinais un peu à respirer . Mais il aimait me savoir contrainte de la sorte et adorait encore plus la finesse que le sévère serrage imposait à ma taille. Celle ci, d’ailleurs, au fil du temps se marquait de plus en plus, faisant ressortir mes fesses voluptueusement, ce que mon Maître appréciait au plus haut point. Nos volumineux manteaux d'hiver, que nous portions par dessus, ne cachaient pas le collier de cuir noir que nos Maîtres avaient posé et fermé sur nos cous avant de nous laisser partir. Ils en avaient gardé les clés, nous obligeant ainsi à les porter tout le temps de notre absence loin d'eux, comme un rappel permanent de notre condition de femmes soumises.  

    Pour être plus à l'aise pendant le voyage et ne pas être gênée pour conduire, j'avais enlevé mon manteau et l'avais déposé sur la banquette arrière dès le départ. Frileuse, Lily avait gardé le sien mais, au bout de quelques kilomètres, m'avait demandé d'arrêter la voiture pour pouvoir ôter le sien. Elle avait un peu trop chaud et de plus se sentait engoncée ainsi emmitouflée et enserrée elle aussi dans son corset. Nous étions toutes les deux dans une tenue des plus légères et des plus affriolantes pas très habituelles comme tenues de voyage. Nous en avions bien ris au passage d'une voiture de police en imaginant leur air ébahi si les agents nous avaient contrôlé.  

    Nos Maîtres, aussi bien le mien que celui de Lily, nous avaient fait leur dernières recommandations avant de nous laisser partir seules. Ils avaient clairs, très clairs même  :

    - Nous vous envoyons chez Maître Frédéric pour une semaine en son Domaine des Étrivières . Vous devrez être dignes de la confiance et de l'honneur que l'on vous fait et vous montrer à la hauteur de nos attentes mais également des siennes. Sachez que le Maître ne manquera pas de nous tenir informer de votre conduite envers lui. Vous devrez lui obéir comme à nous même. Nous comptons sur vous, soumises !

    Ils avaient été fermes sur notre manière de nous conduire en la présence de notre hôte et en celle de ses invités, s'il y en avait. - Jane, fais en sorte que je sois fier de toi, m'avait dit mon Maître, ne me déçoit pas . Prouve moi que l'éducation que je t'apporte donne déjà des résultats. Si tu venais à décevoir qui que ce soit, c'est moi que tu décevrais et je te prie de croire qu'il t'en cuira à ton retour !

    Nous avions promis tout ce que nos Maître voulaient, pressées de partir enfin ! Émoustillée comme tout à force de ressasser ces événements récents, j'avais failli en manquer le panneau indicateur où il était inscrit "Domaine des Étrivières - 3 Kilomètres". Je quittais alors la route départementale pour m'engager sur un chemin carrossé. Plus la voiture avançait sur cette route petite forestière, plus les bois qui nous cernaient nous semblaient denses et sombres, presque inquiétants.  

    J'avais fini par éteindre la radio, la voix monotone du speaker m'agaçait. L'atmosphère du jour finissant était triste et pas très engageante. Le brouillard qui empêchait une vision lointaine, ne nous laissait découvrir le paysage qu'au fur et à mesure de notre avancée. Nous avions l'impression d'être dans un tunnel de brume. Les phares se reflétaient dedans et créaient un mur épais de lumière diffuse, bouchait la vue et gênait ma conduite.Fini les rires et les plaisanteries. J'étais attentive à la route et Lily, pour ne pas me déconcentrer ne me parlait plus. Alors que nous approchions de notre destination, l'ambiance n'était plus aux rires. Nos pensées toutes tournées vers ce lieu que le panneau venait de nous indiquer.

    Le but était proche et paradoxalement, plus nous nous en approchions plus une certaine angoisse, pernicieuse, s’insinuait en nous.Je me demandais même si nous avions bien fait de venir sans nos Maîtres, après tout nous n'avions jamais rencontré ce Maître Frédéric. Lily me regarda, je remarquais aussitôt dans son regard qu'elle se posait les mêmes questions que moi .

    - Aller, lui dis-je en souriant, nous sommes enfin presque arrivées, nous allons pouvoir nous reposer et détendre nos jambes. Les miennes commencent à s'engourdir et j'ai des fourmis dans les pieds, pourvu qu'elles ne montent pas plus haut !  

    Ma répartie eut l'effet que j'attendais, elle parti d'un grand éclat de rire et moi aussi. Cela nous permis de nous détendre enfin et notre naturel enjoué fit le reste. Nous reprîmes une conversation à bâton rompus, présumant de ce qui nous attendait dans quelques instants. Au bout d'une quinzaine de minutes de cette route ingrate, nous parvînmes enfin à l'orée des derniers grands arbres, qui au vu de leur taille imposante, devaient être plus que centenaires.

    Derrière une immense grille ouverte, la demeure nous apparue enfin comme par magie. Elle était vraiment très impressionnante et, avec la tombée de la nuit et les lumières diffuses qui filtraient derrières ses grandes fenêtres, elle semblait sortir tout droit d'un livre de contes pour enfants. La petite brise, qui soufflait trop doucement, ne parvenait pas à chasser la brume et ses contours s'estompaient, se diluant dans la nuit naissante. Pourtant nous reconnûmes tout de suite le Domaine. Il était fidèle aux photographies que nous en avions maintes fois visualisées sur le site web du Maître. C'était vraiment une belle demeure.  

    Je dépassais le portail de fer forgé. Il avait dût être laissé ouvert en vue de notre arrivée je pense. Deux statues de pierre, représentant un cheval cabré sur ses pattes arrières, le flanquaient magnifiquement. Le nom du domaine était inscrit en belles lettres sur le fronton. Je passais dessous et m'engageais sur l'allée gravillonnée encadré par une pelouse qui montait en pente douce jusqu'à la maison. Dans l'immense parc, je roulais au pas, suivant la courbe du chemin jusqu'au bas du perron où je stoppais la voiture et coupais enfin le moteur. Il avait deux volées de marches de marbre blanc qui se rejoignaient au seuil de la maison. Il y avait une élégante fontaine à notre gauche, un jet puissant s'en échappait joyeusement et montait très haut. Les premiers degrés de la demeure étaient à notre droite. Nous étions enfin arrivées .

      Nous restâmes là un petit moment à regarder ce paysage sans plus oser bouger ni l'une ni l'autre, fixant des yeux l'impressionnant bâtiment du XVII siècle qui nous écrasait un peu. Nous nous étions penchées d'un même mouvement pour essayer de le voir de l’intérieur du véhicule. Nous étions là, depuis quelques minutes déjà à le regarder de tous nos yeux, ne sachant plus trop quoi faire. Que nous réservait notre séjour dans ce château. Que nous réservait Monsieur Frédéric ? Tout c'était décidé si vite en somme que j'en avais la tête qui tournait encore. Il nous fallait bien pourtant aller jusqu'au bout de notre engagement. Nous étions, tout compte fait, où nous voulions être. Il n'était plus temps de tergiverser et plus question de faire demi tour non plus. Il nous fallait aller au bout de notre fantasme. Sortir de la voiture et frapper à la grande porte pour signaler notre arrivée.  

    Je me redressais et j’ôtais les confortables mocassins que je prenais toujours pour conduire et j'enfilais mes escarpins noirs bien plus élégants, mais hélas, si peu pratiques à la conduite . Nous contorsionnant, nous récupérâmes nos manteaux à l’arrière et les enfilâmes du mieux que l'on put dans l'espace restreint du véhicule, ce qui nous occasionna encore quelques rires, nous sortîmes enfin ensemble.

    L'air froid du dehors nous saisi et nous nous sommes empressées de rabattre nos manteaux sur nos corps à moitié nus et frissonnants car j'avais monté le chauffage de la voiture pour ne pas avoir froid à cause des tenues légères que nous avions. La brise qui créait de jolies volutes de brumes grises et ténues autour de la maison, s'insinuait sous nos pelisses et faisait naître sur nos corps de désagréables frissons.

      Nous étions à peine sorties du véhicule, qu'un homme grand, se présentait au seuil de la maison et s'avançait d'un pas alerte dans notre direction. Nous ne pouvions pas le distinguer car il tenait à la main une lampe dont il dirigeait le puissant faisceau vers nous, nous aveuglant et ne nous laissant voir de lui qu'une silhouette diffuse et sombre . Arrivé à un mètre de nous, il nous dit d'une voix calme et polie, ces quelques mots :

    - Bonsoir soumises et bienvenues chez Monsieur Frédéric de B..., Maître de l’Étrivière, je suis Victor, je suis son majordome. Le Maître m'a chargé de vous accueillir et de vous conduire à vos chambres, aussi si vous vouliez avoir la bonté de me suivre, je me ferais un plaisir de vous y guider...  

    Je regardais Lily qui avait du mal à ne pas pouffer à ces mots sortis tout droit d'un autre temps. Je lui fit les gros yeux afin qu'elle se contienne un peu mais je dois bien admettre que je n'étais pas loin d'en faire autant. La formulation désuète m'avait faite sourire moi aussi. Il s'effaça pour nous laisser passer en guidant nos pas de sa lampe. Nous ne savions toujours pas à quoi il ressemblait. Sans que je sache pourquoi, cela me mit mal à l'aise.Mais j’emboîtais le pas de Lily qui le suivait déjà.  

    Sur le site du Château où j'avais écris que mon fantasme était de rencontrer le Maître des Étrivières, Lily m'avait suivi dans ce désir. Maintenant, nous étions là, toutes les deux face au majestueux perron. Notre fantasme prenait vie au delà de nos espérances. En plus de rencontrer Monsieur Frédéric, cela se faisait dans son domaine, ce que nous n’aurions jamais imaginé possible. A ce moment précis où mes talons aiguilles s’enfoncèrent dans les gravillons fins de l'allée, je repensais à mon Maître ainsi qu'à toutes ses recommandations. Je souhaitais sincèrement ne pas le décevoir. Je voulais lui prouver qu'il pouvait avoir confiance en la soumise qu'il façonnait et que je devenais entre ses mains. Je me redressais, fière, et suivis le majordome qui s'avançait déjà vers les premières marches. Un petit vent taquin et froid se faufila sous mon vêtement, mais après ce long voyage dans le véhicule un peu sur-chauffé, il fut le bien venu. Je resserrais mon ample manteau sur moi. Je frissonnais tout autant de froid que d’appréhension. L'air des sous bois, porté par le vent, me chatouilla les narines. Il embaumait les champignons et la mousse. Mon haleine fit naître un petit nuage vaporeux quand, dans un soupir je saisi la main de Lily, comme pour me donner du courage. Elle se retourna vers moi et me regarda tendrement. Les battements de mon cœur résonnaient jusque dans ma tête qui me tournait un peu. Je senti la main de mon amie serrer la mienne. Je la regardais. Elle avait tout autant peur que moi et en même temps je voyais briller dans ses yeux la petite étincelle de l’excitation qui devait briller aussi dans les miens... D'un même pas nous suivîmes Victor. Nous allions enfin voir Monsieur Frédéric de B... !

    Nous montâmes d'un même pas alerte les quelques marches qui nous séparaient encore du Maître des lieux. Victor nous attendait, il poussa la lourde porte qui n'émit qu'un petit son feutré en pivotant lentement dans ses gonds. Je ressentis tout de suite une agréable vague de chaleur provenant du hall d'entrée m'envelopper comme pour m'accueillir. Mes jambes tremblaient et avaient de la peine à me porter tant l'appréhension et l’excitation se disputaient mes sentiments. La douce pénombre qui régnait là me surprit un peu, puis mes yeux s’y accoutumèrent lentement...Et là, stupéfaction, éblouissement ! Le passé, l'ancienneté, l'histoire même de ce château nous accueilli, nous, femmes du XXI siècle. Sur un guéridon au pied élégamment sculpté, un bouquet de fleurs exotiques ajoutait à l'ambiance une note de couleur vive. Leur parfum suave et capiteux nous enveloppa et nous envoûta. Il nous prit doucement, nous enveloppant dés le seuil passé, dans un tourbillon de sensations enchanteresses. Nous étions devenues, à l'instant, princesses au temps des rois. La majesté du lieu nous transporta quelques siècles en arrière et nous, nous étions devenues marquises ou comtesses s'essoufflant dans un quadrille endiablé. Les robes et les parfums d'un autre temps s'enroulant autour de nous deux comme autant de souvenirs anciens renaissant dans nos yeux ensorcelés par la magie de l'endroit.  

    Victor nous ramena brutalement à la réalité d'une voix rude. Après avoir refermé la grande porte, il s’effaça devant nous et poussa une nouvelle porte dissimulée derrière une tenture. Nos talons claquaient sur la mosaïque du sol et résonnaient. Je me demandais pourquoi il ne nous faisait pas entrer dans la grande salle que nous avions aperçue, au lieu de cela il nous il nous poussait vers une porte latérale.

    Pourquoi n'entrions nous pas dans le château par la grande porte ? N'étions-nous pas des invitées ? N'étions nous pas "princesses au temps des rois".... Je croisais le regard de Lily et y vis la même incompréhension de sa part. Cependant, je n'osais pas la poser au majordome et je le suivis. Nous n'étions en fait que de simples soumises, comment avais je pus croire que nous aurions d'autres droits que ceux dévolus aux soumises ?

    Je sentais que Lily était tout aussi dépitée que moi à la force qu'elle mis dans sa main en serrant la mienne. Où nous conduisait donc le majordome ? Le couloir qu'il avait emprunté avait un tapis épais qui le parcourait sur toute sa longueur d'un seul tenant, quelques bougies disposées dans de petites niches, à hauteur d'homme, en ponctuaient la morne droiture et jetaient ici et là des flaques de lumière pâle sur ses motifs tarabiscotés. Qu'y avait-il au bout de ce couloir maintenu dans cette pénombre qui me semblait tout à coup inquiétante ? Cette fois ce fut moi qui serrais la main de mon amie, je ne l'avais pas lâchée .  

    Devant nous Victor avançait vite, il ne nous attendait pas. Nous dûmes presser le pas pour le rattraper et le laisser nous guider vers les chambres que l'on nous avait attribuées pour ce séjour qui promettait de nous réserver bien des surprises à n'en pas douter. C'est cependant le cœur léger que je renvoyais un regard plein de malice à Lily, car j'avais la certitude que mon Maître, que nos Maîtres, ne nous auraient sûrement pas envoyées toutes les deux à quelqu'un dont ils n'auraient pas eu toute confiance. Mon enthousiasme retrouvé sembla lui redonner du courage. Elle me sourit en retour. Après tout, nous étions là parce que nous l'avions souhaité très fort et notre vœu se réalisait. Nous étions au domaine de Monsieur Frédéric, et nous le verrions bientôt. Enfin !  

    Tout au bout de la coursive, le majordome s'arrêta enfin au bas d'un escalier en colimaçon et nous le montrant nous dit :

    - je vous laisse là mesdemoiselles, montez et entrez dans la pièce qui sera sur votre gauche, la porte en est ouverte. Otez vos manteaux et attendez là, quelqu'un viendra vous chercher et vous dire ce que vous devrez faire.  

    Je lui fis remarquer timidement que nos bagages étaient restés dans le coffre de la voiture.  

    - cela n'a pas d'importance, me répondit-il, car vous n'en n'aurez pas besoin pendant votre séjour. Monsieur Frédéric pourvoira à tous vos besoins.  

    - mais nos nécessaires de toilette et nos vêtements, qui nous les apportera alors ? lui demandais-je.  

    - vous n'en aurez pas besoin non plus, d'ailleurs je crois savoir que vous ne devrez porter, tout le temps où vous serez ici, que vos colliers, exception faite de ce soir où monsieur qui reçoit des amis, vous veut uniquement vêtues de vos corsets, de vos bas et chaussées de vos escarpins !

      Sur ces dernières paroles et avant même que nous ayons le temps de lui poser d'autres questions, il rebroussa chemin, nous laissant seules au bas de cet escalier. Des pensées contradictoires m'assaillaient. Le Maître de l’Étrivière recevait des amis ce soir, et nous devions toutes deux n'être vêtues que de nos sous vêtements. Le séjour commençait dès notre arrivée à n'en pas douter. Alors prenant courage l'une de l'autre nous commençâmes à gravir ensembles cet escalier qui montait vers nos chambres. Il s'enroulait doucement sur sa gauche. Les marches étaient recouvertes d'un épais tapis rouge élégamment retenu par des tringles dorées. Je ne saurai dire combien de marches il y avait, ni combien d'étages. Aucunes fenêtres ne venaient rythmer notre montée. Nous avancions lentement, sans nous précipiter, calmement, comme si rien ne nous pressait. Nous tenant toujours par la main, nous allions vers notre destin.

      Au dernier tour le palier, assez grand pour y contenir un douillet petit salon, nous apparut enfin. Il était doucement éclairé par une paire d'appliques doubles à pampilles de cristal à ce qui me semblait. Il desservait trois pièces dont une seule avait la porte ouverte. Nous nous dirigeâmes donc vers elle. Avant d'en franchir le seuil je regardais vers le bas de l'escalier, mais personne ne venait. Alors, avec une certaine appréhension tout de même, nous pénétrâmes toutes les deux dans la pièce que Victor nous avait indiqué et où nous devions attendre que l'on vint nous chercher. Cette fois c'était sûr nous étions pour de bon, Lily et moi, au domaine de Monsieur Frédéric.